Votre décès et vos REER

Chronique financière,
publiée dans
le Canada Francais, le 27 octobre 2013

 

 

Benjamin Franklin a dit qu’il y avait deux certitudes dans la vie : la mort et les impôts. Ceci est d’autant plus vrai en ce qui touche les régimes enregistrés. La Loi de l’impôt sur le revenu prévoit qu’à votre décès vous êtes réputé avoir disposé de tous vos biens à leur juste valeur marchande, immédiatement avant le décès. En gros, cela signifie que la loi simule une vente de tous vos biens à des étrangers, et ainsi vous auriez liquidé vos biens au meilleur prix possible, et surtout pas à un prix d’ami. C’est ce que l’on appelle la disposition présumée des biens.
La conséquence de cette règle sur votre REER est que toutes ces sommes que vous avez accumulées année après année risquent d’être sérieusement amputées par l’impôt. En suivant cette règle de disposition présumée des biens, tous vos biens qui ont une plus value y passent. Pour cette raison le taux d’imposition au décès est plus élevé que le taux que vous avez normalement payée de votre vivant.

EXCEPTIONS
Cette règle générale d’inclusion à la juste valeur marchande de votre REER à votre déclaration d’impôt finale souffre d’exceptions. Ainsi le conjoint du défunt ou un enfant ou petit-enfant financièrement à sa charge ou des fiducies exclusives à leur endroit sont considérés comme des bénéficiaires admissibles et ainsi réduire l’impôt ou l’annuler selon le cas.

ROULEMENT
Dans notre jargon fiscal signifie un roulement un transfert sans impact fiscal. Si c’est votre époux ou conjoint de fait qui hérite de votre REER, alors il y aura possibilité d’un roulement, dans le REER du conjoint survivant.  Depuis le budget fédéral de 2010, ce transfert en franchise d’impôt est également possible en faveur d’un enfant ou petit-enfant handicapé à charge, en transférant dans son Régime Enregistré d’Épargne Invalidité (REEI), et ce, jusqu’à concurrence de 200 000$.
En vertu de la Loi, rien n’oblige à déduire la totalité du REER du revenu de la personne décédée. Le montant non déduit pourra être remis au bénéficiaire sans être imposé à nouveau. Cette stratégie peut s’avérer intéressante si le défunt n’avait pas un revenu élevé au moment du décès et qu’il avait peu de biens imposables alors qu’à l’inverse son conjoint a un revenu élevé et constant.

FAMILLES RECONSTITUÉES
L’on rencontre régulièrement des nouveaux conjoints de familles reconstituées qui aimeraient léguer leurs REER à leurs enfants plutôt qu’au nouveau conjoint, surtout s’il n’y a pas d’enfant issue de cette nouvelle union. Sans entrer dans les technicalités, dans le cas d’un enfant ou petit enfant l’on parle de remboursement des primes REER et non de roulement. Ainsi pour un enfant financièrement à charge, la valeur du REER est ajoutée à la déclaration de revenus de l’enfant  bénéficiaire.  Pour bénéficier de la déduction l’enfant, ou le petit-enfant mineur, peut souscrire à une rente certaine avec l’actif du REER. La durée maximale de la rente sera jusqu’à ce qu’il atteigne la majorité. Les enfants mineurs n’ayant habituellement pas, ou peu, de revenus imposables, alors selon l’âge de l’enfant à ce moment, l’impact fiscal sera moindre. Mais qu’est-ce qu’un enfant ou petit-enfant financièrement à charge? Pour être considéré comme enfant ou petit-enfant à charge, il devait résider habituellement avec le défunt avant son décès, être à sa charge financièrement et généralement respecter l’une des deux conditions suivantes :

  • Son revenu net pour l’année précédente est inférieur au montant personnel de base;
  • Il souffre d’une déficience des fonctions physiques et mentales et son revenu net pour l’année précédente est égal ou inférieur au montant personnel de base plus le montant pour personnes handicapées.

Il appert que si l’enfant ne résidait pas habituellement avec le défunt en raison de ses études, il serait quand même considéré comme résidant avec le défunt.
Comme vous l’avez remarqué, seul l’enfant mineur peut alléger la facture en répartissant jusqu’à sa majorité l’impôt résultant du REER. Dans le cas de l’enfant majeur qui serait à la charge financière du défunt, le montant du REER sera ajouté au revenu de l’enfant, donc imposable dans les mains de celui-ci. Cela sera généralement plus avantageux que l’inclusion dans le revenu de son défunt parent.

BIGAMIE FISCALE
La définition fiscale permet d’avoir deux conjoints se qualifiant pour le roulement du REER. L’exemple patent serait la personne mariée, qui vivant séparée légalement ou de fait, et qui vit une relation conjugale depuis au moins 1 an avec une autre personne, ou qu’un enfant est né de cette relation. Ainsi les deux pourraient se partager le REER en franchise d’impôt!

VORACITÉ FISCALE
Avec les déficits que connaissent généralement les gouvernements, l’on peut y lire partout sur la planète qu’ils cherchent de nouvelles sources de taxation. L’une d’elles que l’on retrouve régulièrement est la taxe au décès. Les plus vieux d’entre vous se rappelleront sûrement de la loi sur les Droits successoraux abrogée par le Parti québécois en 1986. Plusieurs provinces canadiennes imposent une taxe sur le transfert de biens lors du décès.  Surtout n’en parlons pas trop fort…