Se faire piéger par son CÉLI

Chronique financière,
publiée dans
le Canada Francais, le 4 juillet 2013

Mathieu est en fin vingtaine, il est un bourreau de travail,  et ayant peu de frais fixes, il réussit à se mettre des économies de côté. En 2009 il se présente à son institution financière pour connaître comment le mieux gérer ses économies et on lui recommande d’ouvrir un CELI. Semaine après semaine il dépose dans son CELI ce dont il n’a pas le temps de dépenser, car il travaille à peu près tout le temps. Il a presque atteint le maximum admissible du CELI. En 2012, Maxime, un copain intime, est temporairement en mauvaise posture financière et lui demande un prêt de 10 000$, ce dont Mathieu acquiesce et décaisse à partir de son CELI.  Dans les mois qui suivent la bonne fortune étant de retour, Maxime rembourse le 10 000$ à Mathieu qui s’empresse de le re-déposer dans son CELI pour redonner souffle à son compte à épargne à intérêt élevé. Par les temps qui courent l’intérêt sur ce genre de compte est de 0,25%. Bon, pas beaucoup se dit Mathieu, mais on lui a enseigné à l’université qu’un bon gestionnaire ne laisse pas dormir les sous.

Surprise il reçoit une enveloppe de l’Agence du revenu du Canada. Un bel avis pour une pénalité de cotisation excédentaire dans son CELI!

Mal compris

Le CELI existe depuis début 2009 et la contribution annuelle était de 5 000$ par année alors que depuis le premier janvier 2013 elle est passée à 5 500$.  Un épargnant qui y aurait contribué au maximum depuis 2009, ou voudrait y participer totalement aujourd’hui,  y aurait déposé 25 500$.

Mathieu n’est pas seul à avoir mal compris les règles du CELI car il semble qu’au mois de mai, l’Agence du revenu du Canada (ARC) a expédié une lettre du genre à pas moins de 66 000 Canadiens.  Selon le Ministère des Finances à la fin de 2011, environ 8,2 millions de Canadiens avaient ouvert un CELI.

Retraits

Lorsque vous effectuez des retraits dans votre CELI, cela crée de nouveaux droits CELI équivalents au retrait, mais seulement et uniquement pour l’année suivante. Donc vous n’avez pas perdu le droit de déposer de nouveau ce montant, mais pas dans la même année que le retrait. C’est là que le bât blesse et que les épargnants se font prendre! Les montants remis dans le CELI dans la même année occasionnent une cotisation excédentaire, même si l’épargnant n’a pas remis d’argent supplémentaire.

Ainsi le contribuable doit verser une pénalité de 1% par mois, calculé sur le montant excédentaire dans leur compte. Donc si l’on reprend l’exemple de Mathieu, alors il est déficitaire de 0,75% par mois!  Placé dans d’autres véhicules de placements, le rendement du CELI doit dépasser le 1% par mois pour laisser une trace positive.

Même si le CELI a été introduit en janvier 2009,  il semble que l’ARC a commencé à appliquer cette mesure plus restrictivement qu’à compter de juin 2010. L’on peut sérieusement se questionner sur le caractère raisonnable d’une telle pénalité.  Par-dessus tout, n’oubliez pas que les argents investis dans le CELI ont déjà été imposés.

Attention, le calcul vaut pour l’ensemble des institutions financières dans lesquelles vous auriez un CELI. Ainsi le total des comptes CELI ne pourra excéder le plafond des cotisations, quoique vous pouvez transférer les sommes d’un CELI à l’autre sans pénalité si les comptes CELI sont actifs au moment du transfert.

Compte d’urgence

En planification financière l’on recommande aux gens d’avoir en mains l’équivalent de 6 mois de salaire pour soit pallier aux urgences, telles : la toiture qui coule, l’auto qui a besoin d’une réparation majeure et urgente, un enfant qui va en orthodontie, une perte d’emploi, une opération chirurgicale soudaine et imprévue… Ainsi je fais régulièrement cette recommandation en suggérant d’utiliser le CELI pour ce faire. Il va de soit qu’il faut que tout ou partie du CELI doit être liquide rapidement et surtout  ne pas avoir de pénalité ou frais de sortie.  Le compte CELI ne doit surtout pas être utilisé comme un compte courant.

Simplifier

Vu les développements technologiques, l’on pourrait espérer que les institutions financières instaurent des barrières qui restreignent le dépôt de nouvelles sommes lorsque des retraits ont été effectués dans l’année.  Entre-temps l’ARC pourrait également simplifier le tableau du calcul que le contribuable recoit, car à première vue il porte à confusion et le premier réflexe du contribuable est d’affirmer que ce n’est pas possible. Croyez-moi il ne gagnera pas le prix de la clarté et simplicité!