REER ou CELI, votre coeur balance?

Parution dans le Canada-Français, édition du 15 janvier 2015

A chaque début d’année vous êtes inondés de publicité et de sollicitation pour cotiser au REER?  Vous connaissez le REER mais peu le CELI. Bon, disons que vous n’êtes pas seul car il semble que seulement 54% des québécois disent connaître le CELI comparativement à 68% des canadiens. On pourrait à première vue prétendre que cela tient du fait que le Québec figure parmi les provinces pauvres, mais quand on constate que ce taux atteint 64% dans les provinces atlantiques cet argument ne tient pas la route. Culturel?

Même s’il y avait 50 milliard de $ investis dans les CELI en 2013, 89% des canadiens ne connaissaient pas les placements qui y sont admissibles. Donc la majorité des gens n’investit pas judicieusement dans le CELI.  Certains prétendent que la valeur des CELI devrait atteindre 1 000 milliards de $ en 2030.

Brefs rappels
Le REER et le CELI sont des véhicules d’épargne dont les revenus qu’ils génèrent ne sont pas imposables tant et aussi longtemps que les argents demeurent dans ces régimes.
La contribution maximale au REER pour 2014 est plafonnée à 24 270$ en respectant la limite de 18% de votre revenu gagné. A l’âge de 72 ans vous devez avoir commencé à encaisser votre REER. Il peut contenir une panoplie de types de placements. Les argents qui vous sont versés sont imposables.

Comparativement au REER la cotisation dans un CELI n’est pas déductible de vos impôts mais en contrepartie les argents qui en ressortent ne sont pas imposables. Le CELI a été créé en 2009, et la contribution annuelle était de 5 000$ alors qu’elle est de  5 500$ pour 2015. Donc la contribution maximale accumulée depuis son instauration est de 36 500$. Il n’existe aucune règle requérant que vous commenciez à encaisser le CELI. Contrairement à la croyance très répandue, vous pouvez y investir toutes sortes de types de placements et non seulement des CPG ou un compte épargne.

Au départ plusieurs mettaient en doute le sérieux du CELI avec son montant annuel de 5 000$, mais si l’on calcule l’effet d’une contribution annuelle de  5 000$ pendant 20 ans, l’on change rapidement d’avis. En effet, avec un rendement de 1,5% (ce qui est bien peu), la valeur du CELI aura atteint 117 352$ et 173 596$ si le rendement est de 5%. Pas si mal de ne pas payer d’impôt sur ces 17 352$ et 73 596$, en toute légalité!

Facteurs de décision
Il y a deux principaux facteurs de décision à prendre en compte : votre taux d’imposition et l’impact de votre revenu sur les programmes et crédits gouvernementaux.

Dans un premier temps l’on sait tous que la contribution au REER permet d’abaisser le revenu imposable  et ainsi économiser de l’impôt. En principe plusieurs personnes gagnent beaucoup plus d’argent au travail qu’à la retraite. Les travailleurs autonomes devraient ainsi gagner plus de revenus car ils ne possèdent pas de régime de pension de leur employeur. Ainsi si le revenu de celui-ci est imposé à 40% lors de sa vie active et qu’il est imposé à 20% lors de sa retraite, alors le REER est à favoriser. C’est également les cas des personnes qui ont beaucoup de rattrapage à effectuer sur leur REER et qui gagnent actuellement un revenu élevé. Le REER leur permettra de réduire dès maintenant leurs impôts alors qu’il est logique de croire que la somme accumulée ne serait pas suffisamment importante pour maintenir 70% du revenu  préretraite.

Toutefois si vous bénéficiez d’un régime de retraite, qui après de nombreuses années de service, vous procure 70% de votre revenu préretraite, alors la différence de  taux d’impôt pré et pendant la retraite risque d’être semblable, ou, avec peu de différence selon la fourchette d’impôt que vous vous vous trouvez. Ainsi la valeur nette de votre placement lors de l’encaissement sera la même que ce soit à travers un REER ou un CELI.

Le plus bel exemple de facteur du revenu sur les programmes et crédits gouvernementaux est sans aucun doute l’Impôt de récupération de la sécurité de la vieillesse, que certains appellent l’impôt fantôme. Ainsi si vous gagnez plus que  71 592$, vous faites face à un impôt spécial de 15% jusqu’à concurrence de 116 103$.  L’encaissement du CELI n’étant pas considéré comme un revenu (contrairement au REER) il n’aura pas d’impact sur cet impôt fantôme.  Conséquemment si vous êtes bénéficiaire d’un revenu de pension, et que la combinaison des revenus pension, pension de vieillesse et rente du Québec excède les 71 592$, le CELI est plus avantageux. Si vous avez alors des REER, une solution sera de les décaisser avant l’âge de 65 ans.

Un autre facteur qui peut être pris en compte, même s’il n’est pas primordial pour plusieurs, c’est l’impôt au décès. En effet si vous n’avez pas de conjoint et que vous vous souciez de laisser quelque chose à vos héritiers, alors  votre REER perdra 50% de sa valeur en impôt au décès, ce qui n’est pas le cas avec le CELI.

A retenir
Si votre revenu baissera significativement à votre retraite, alors le REER sera la solution appropriée.  S’il est dans la même fourchette d’impôt  alors le CELI sera préférable d’autant plus que vous pourriez être sujet à l’impôt fantôme. Mais peu de personnes dans la trentaine peuvent prédire avec certitude leur avenir professionnel et financier.  Il n’y a pas de solutions miracles mais plutôt des solutions bien dosées.

Un avantage indéniable du CELI est sa flexibilité, que vous ayez un faible revenu ou un revenu élevé, il n’y aura pas de conséquences pour sa sortie. Ceci en fait la meilleure option par défaut. De toute façon si vous avez de l’espace pour contribuer à un REER et que vous n’avez que contribué à votre CELI vous pourriez toujours l’encaisser sans conséquence et le verser dans votre REER.

Personnellement s’il y a un aspect négatif de la flexibilité du CELI, c’est la facilité avec laquelle des épargnants l’encaisse pour en faire un usage de consommation. Pour certains, c’est trop attirant de l’encaisser!

Christian Dufour, LL.L., D.D.N., Pl. Fin., D. Fisc.
Conseiller sécurité financière, assurance et épargnes collectives
Cabinet Finexia