REÉR et les fonds de travailleurs

Chronique financière
publiée dans le Canada Francais, le 14 février 2013


La saison des REER est à nos portes et nous sommes inondés de publicité pour y contribuer.  L’on me pose souvent la question : est-ce bon de contribuer à un REER de fonds de travailleur, tel que le fonds de solidarité (FTQ) ou Fondaction (CSN)?  Ces fonds existent depuis un certain temps. Le fonds de la FTQ existe depuis 1983. Au 30 novembre 2012, son actif net s’élevait à plus de 8,7 milliards de dollars. Quant au Fondaction de la CSN, il a été créé en 1996, son actif net s’établissait à quelque 914,6 millions de dollars au 31 mai 2012. Ce n’est pas rien!

Ces fonds ont connu du succès de par leurs crédits d’impôt non remboursables de 30 % pour le fonds de la FTQ et de 40% pour celui de la CSN.  Actuellement l’on ne peut contribuer au fonds CSN que par la voie de déductions sur vos paies ou par virements/prélèvements bancaires. Pourquoi? Tout simplement parce que ces fonds ont un maximal de contribution annuelle en rapport avec les investissements faits et que les souscriptions sont déjà comblées.

REÉR
L’un des attraits de ces fonds est de combiner les crédits d’impôt et la déduction REER.  Le montant maximal du crédit d’impôt est de 5 000$. Si vous gagnez 40 000$ et que vous contribuez à 1 000$ au fonds FTQ à titre de REER, alors vous aurez un crédit d’impôt de 300$ (30%) et une déduction REER de 320$ pour une réduction d’impôt de 620$.  Avec un revenu de 60 000$ et une contribution de 5 000$, le crédit d’impôt est de 1 500$ et la déduction REER de 1 920$ pour une réduction d’impôt sera de 3 420$. La contribution ne vous aura coûté que 1 580$!
Il ne fait pas de doute que l’investissement fait du sens au cours de l’année de la contribution.  Jusque-là c’est un beau produit, intéressant. Qu’en est-il par la suite?

INVESTISSEMENT RISQUÉ?
Il y a toutefois une partie de l’équation que les gens oublient : c’est du capital de risque, qui à sa base même, ne vise pas à investir dans le mortier et la brique. Aux yeux des contribuables québécois, ces fonds ne sont pas risqués, pour la simple et bonne raison qu’ils ont fourni des rendements très acceptables. En effet le fonds de la FTQ a enregistré un gain de 2,58% lors de son dernier exercice. Son cousin, le Fondaction de la CSN, a fait un rendement de -2,5%.
J’ai eu l’opportunité de travailler sur un portefeuille d’une cliente dont le conjoint avait travaillé en Ontario, et le couple avait contribué à un fonds de travailleur de l’Ontario pour maximiser leur REER. Ouf!  Même si les fonds existent depuis plus de 21 ans, les rendements sont généralement négatifs depuis un bon moment.  On est très loin d’un certificat de dépôt garanti!

REÉR GELÉ
Ceux qui ont vécu la crise financière de 2008-2009 savent que lorsque le marché pique du nez, les investisseurs cherchent à liquider leurs fonds pour arrêter la chute. Sachez que si vous achetez un fonds de travailleurs vous ne pouvez en faire le rachat avant votre retraite. Les fonds sont gelés! Quoique les règles aient été assouplies, il demeurera gelé jusqu’à votre retraite, au plus tard, jusqu’à vos 65 ans ! Les prospectus de ces fonds sont clairs à cet effet. C’est le prix à payer pour avoir bénéficié des attrayants crédits d’impôt que nos gouvernements accordent. Ce sont des contraintes imposées par la loi, faut donc être patient.

RACHAT POSSIBLE
Les situations dans lesquelles l’on vous permet de racheter les fonds avant l’âge de 65 ans sont exceptionnelles. Généralement les conditions tournent autour des usages suivant: l’utilisation des sommes dans le cadre du Régime d’accession à la propriété (RAP); le retour aux études à temps complet pour au moins un an; l’investissement de capitaux dans notre entreprise en vue de créer des emplois; une diminution de nos revenus personnels causée par la perte de notre emploi; l’invalidité grave et prolongée; la maladie en phase terminale; la préretraite à compter de 50 ans; et évidemment, le décès.
Vous conviendrez que c’est plus compliqué que de contacter tout bonnement l’institution pour recevoir un chèque! Normalement le site de la société de fonds indique clairement les situations. Si vous avez besoin de ces sommes pour des imprévus non admissibles au rachat, cela ne constitue pas un bon Plan B. Pour cette raison ce ne sont pas tous les contribuables qui devraient y participer. Pas étonnant que 35,8% des actionnaires du Fondaction aient 55 ans et plus.

CAS DE CONTRIBUTION
La mise au point étant faite sur le «gel» des épargnes dans ces fonds, dans quel cas devrait-on privilégier la contribution à un fonds de travailleur? Voici quelques pistes : vous êtes à 7 ans et moins de votre retraite et vous avez des réserves pour un Plan B; vous avez un emploi stable, protégé par une convention collective béton; votre situation financière est bien établie et en cas d’imprévu il s’agirait d’un Plan D; il s’agit pour vous d’un placement d’argent de moindre importance ou argent de poche.
Pour comprendre la réalité du gel, il ne s’agit que de lire sur le Web la frustration de certaines jeunes personnes y ayant investi et déplorant que leur argent soit gelé. Bien compris et utilisé, il peut s’agir d’un bon placement, qui contribue au soutien et développement des entreprises de chez nous.

Christian Dufour, LL.L., D.D.N., Pl. Fin., D. Fisc.
Conseiller en sécurité financière,
Représentant en épargne collective,
Conseiller en rentes collectives (fonds de pension) ,
Planificateur financier.