Planification financière des familles recomposées

Publié dans le Canada-Français le 21 janvier 2016

C’est une réalité aujourd’hui que peu de personnes partageront leur vie entière avec le même être cher. L’on voit de plus en plus de conjoints qui, ayant déjà des enfants d’une union antérieure, créent une nouvelle famille avec maintenant des enfants communs.

Force est d’admettre que l’amour leur apporte patience et résilience. Vues sous l’aspect de la planification financière, plusieurs questions sont déchirantes pour les nouveaux conjoints.

SUCCESSION
Que se passe-t-il si nos nouveaux tourtereaux ne font pas de nouveaux testaments?  S’il appert que lors de sa relation antérieure le conjoint n’était pas marié et qu’il n’avait pas de testament, alors son ex-conjoint ne peut faire partie des héritiers, car notre Code civil ne reconnaît pas les conjoints de fait.

En effet quand il est sujet de l’union de fait, notre législateur y fait que très peu référence, tout en ne les reconnaissant simplement pas. Toutefois s’il y avait un testament avantageant cet ex-conjoint, un nouveau testament sera nécessaire, car contrairement aux gens divorcés pour qui le divorce révoque les legs faits à son ex-conjoint, les legs restent valides.

Maintenant qu’il est clair que les conjoints de fait ne peuvent être héritiers légaux (sans testament) alors les seuls héritiers seront les enfants.

Imaginez le topo : Émilie, mère de 2 enfants de 11 et 14 ans nés d’une union antérieure et d’un nouvel enfant de 6 mois issue de sa nouvelle union avec Philippe (qui lui a également 2 enfants mineurs nés d’une union antérieure), lequel décède prématurément sans testament. Pauvre Émilie, si elle était propriétaire à 50% de la maison familiale avec Philippe, elle partagerait la maison avec les 3 enfants de Philippe qui seraient héritiers des droits de celui-ci.

Là où cela se corse le plus, c’est quant aux valeurs des biens légués par Philippe. En effet le Code civil stipule que lorsque la valeur d’un bien légué à un mineur excède 25 000$, alors le Curateur public en est avisé. Si Émilie doit refinancer la maison familiale, alors elle devra passer par le tribunal qui demandera l’avis du conseil des 2 familles impliquées.   Pauvre Émilie elle ne sera pas au bout de ses peines, car les enfants mineurs de la première union de Philippe auront leur mère naturelle comme tutrice et il devra y avoir entente entre les deux mères pour nommer une ou des liquidatrices à la succession. Quel cauchemar!

CHOIX DIFFICILES
Lors de la visite chez leur notaire pour faire leur testament, il y aura des choix déchirants. Notre fiscalité, contrairement à notre Code civil, reconnaît le conjoint de fait, à la condition que les conjoints cohabitent maritalement pendant au moins 12 mois, ou qu’un enfant soit né de l’union de ceux-ci.

Par expérience je sais que la majorité des conjoints ayant eu des enfants issus d’une union antérieure souhaitent leur léguer une portion de leur succession. Toutefois étant donné que le conjoint reconnu fiscalement bénéficie d’une exemption du déclenchement de l’impôt lors du décès, le fait de léguer entre autre à ses enfants ses REER, entreprise et fonds de pension, fait rapidement grimper la facture fiscale à 50%. Donc si on ne désire pas, ou, qu’il est illogique financièrement, de léguer la maison, ses REER, entreprises, investissements, que reste-t-il à léguer à sa progéniture?

Le défunt peut-il compter sur le nouveau conjoint pour remettre éventuellement à ses premiers enfants les biens qui leur reviendraient?   Cela n’est pas garanti, et surtout illégal par contrat autre qu’un testament, car le principe de liberté de tester vous permet de changer votre testament tous les jours si le cœur vous en dit.

ALTERNATIVES
Il existe différentes stratégies pour s’assurer que les enfants reçoivent des biens du défunt. Le tout débute par un testament. Ne cherchez surtout pas à le confectionner vous-même ou acheter des formulaires, dont le texte est standard, car votre situation ne l’est pas!

La confection du testament s’impose afin de prévoir avec exactitude ce que chacun recevra au décès. Surtout il faut séparer ce que le nouveau conjoint recevra de ce que les enfants recevront.

Une façon de de léguer à tous en toute équité est de créer une fiducie testamentaire exclusive au conjoint par laquelle à votre décès, votre nouveau conjoint utilisera les biens, et à son décès, les biens restants retourneront à vos enfants.

Reconnaissons que souvent le bien ayant la plus grande valeur est la maison et que son partage avec les enfants peut être difficile pour différentes raisons techniques, économiques et émotives.

SOLUTION
Une façon de balancer les valeurs est de contracter une police d’assurance-vie dont le bénéfice sera attribué aux enfants lorsqu’ils auront atteint un âge que vous jugerez convenable.
Évidemment si vous survivez jusqu’à ce qu’il atteigne un âge où ils seront financièrement établis dans la vie, vous pourrez remettre en question la détention de cette police, soit en faisant payer les primes par vos enfants, ou simplement l’annuler.

Mandat d’inaptitude : un incontournable, particulièrement important avec les nouveaux choix de fin de vie.

AGIR
Comme vous pouvez le constater, plusieurs considérations entrent en ligne de compte afin de planifier adéquatement la famille recomposée.   Le testament permet de contourner la règle de l’intervention du Curateur public et vous permet de nommer la personne que vous désirez afin de gérer les avoirs de vos enfants.

Même si plusieurs lois sociales relatives à l’impôt, RRQ,  les fonds de pensions et autres reconnaissent le conjoint de fait, il en est autrement pour le Code civil. Oui, cela apporte beaucoup de confusion.

Ne compliquez pas la vie de ceux que vous aimez et surtout évitez de raviver ou créer des chicanes et contestations qui ne feront qu’embourber les tribunaux et appauvrir les vôtres. Consultez votre notaire et votre planificateur financier et planifiez pour votre famille!