Les québécois ont-ils des besoins plus modestes?

Publié dans la Canada-Français, édition du 24 janvier 2019

Il faut vraiment se poser cette question. Dans le cadre d’un sondage effectué par RBC, auquel 2 000 Canadiens ont répondu, les Québécois sont ceux qui ont estimé le montant le moins élevé à épargner en vue de la retraite. En effet à la question, quel est pour vous le « Montant d’épargne requis pour se bâtir un avenir financier confortable », les Québécois ont répondu 427 000$. La moyenne canadienne à cette question a été de 787 000$, alors que les résidents de la Colombie-Britannique ont répondu 1 007 000$ et les Ontariens 872 000$. Même nos voisins des maritimes ont évalué un montant plus important à 774 000$.

Avez-vous un plan financier?

A cette question les Québécois ont répondu négativement dans une proportion de 53% (bons premiers avec les gens des maritimes) alors que les gens du Manitoba et Saskatchewan ont répondu non que dans la proportion de 37%. À la question : quelles sont les « Mesures envisagées pour se constituer un coussin pour l’avenir » les Québécois ont répondu Réduire le budget de voyage que dans une faible proportion de 25% et reporter des achats importants dans la portion de 33%. Ces éléments tranchent nettement avec les autres Canadiens sondés qui ont indiqué des proportions plus élevées. C’est donc dire que les Québécois ne sont pas prêts à réduire leurs achats et leurs voyages pour se constituer un magot pour la retraite. Sur une note plus positive, les Québécois ont été parmi les meilleurs en ce qui touche le règlement des dettes comme motivation de la constitution d’un bas de laine.

SERVICES PUBLICS IDENTIQUES

Ces résultats sont étonnants quand on constate qu’au Canada le système de santé est gratuit et de base identique dans toutes les provinces. Sont également très similaires les règles de pension ou rentes offertes par la RRQ ou le Régime de pension du Canada. Également la pension de la Sécurité de la Vieillesse est fédérale et universelle pour tous. Alors pourquoi un tel écart?

Le changement géographique à la retraite peut expliquer des besoins moins élevés. Par exemple, si vous vendez un immeuble à revenus pour près de 650 000$ et que vous vous achetez une maison à Thetford Mines, qui est la championne de la ville la plus abordable pour acheter une maison à 105 000$, alors le gain net peut effectivement vous aider à constituer votre magot de retraite.

BESOINS EN VEILLISSANT

Hormis que vous ayez des gènes tout à fait exceptionnels, il a fort à parier que la maladie vous rattrapera en vieillissant. Certaines maladies requièrent plus de surveillance et suivis. Je pense particulièrement à l’Alzheimer qui représente la forme la plus courante des troubles cognitifs. Après 65 ans, l’âge étant un facteur important, ce risque double tous les 5 ans. Au Québec c’est 140 000 personnes qui vivent avec une atteinte cognitive et qui grossit au rythme de 17 personnes de plus par jour. Selon la Société Alzheimer du Haut-Richelieu, la région du Haut Richelieu est particulièrement touchée vu la forte présence de baby-boomers sur son territoire. Plus encore, selon les prévisions il y aurait 937 000 Canadiens atteints d’ici 2031 soit une augmentation de 66%.

Si je vous mentionne cette maladie, c’est qu’au-delà du soutien familial, il arrive un moment dans la progression de la maladie où la surveillance est de tout instant et qu’un placement en résidence spécialisé est nécessaire. Si vos revenus sont bas, alors l’état peut vous fournir une place dans un centre d’hébergement intermédiaire. Toutefois à la vitesse qu’augmente le nombre de personnes atteintes, il y a fort à parier que très peu de places seront disponibles. Si vous disposez des sommes nécessaires, ou, que vos revenus sont adéquats, alors, il y a toujours les centres privés qui disposent de divers soins accessoires et activités pour vous héberger. Il faut facilement prévoir entre 3 000$ et 4 000$ par mois pour s’y loger.

Si vous êtes un couple, 3 000$ par mois avec les crédits d’impôt pour le maintien à domicile, cela vous revient à 2 000$ par mois. Presque tout comprit, ce n’est pas si mal. Toutefois, si vous êtes une personne seule, le crédit sera d’environ 500$. À cela s’ajouteraient les services dont vous aurez besoin, comme prise de médicaments, mettre des gouttes dans les yeux, etc. Ceux-ci sont des services en supplément si vous n’êtes pas à faibles revenus. En résumé 2 500$ par mois, ou 30 000$ par année, pendant une dizaine d’années, c’est au moins 300 000$. Ce 30 000$ net d’impôts, ne représente pas moins que 36 000$ brut, avant impôts. Je rappelle humblement que la pension de vieillesse de base fédérale mensuelle est de 601,45$ et la rente maximale mensuelle de la RRQ à 65 ans est de 1 154,58$, pour un total de 1 756,03$ par mois ou 21 072,36$, imposable évidemment. Vous comprendrez que selon la date du début de la retraite, de vos activités au cours de celle-ci, l’âge à laquelle une maladie peut survenir, il y a de fortes chances que ce 427 000$ soit épuisé.

PERCEPTION

Le moins que l’on puisse affirmer c’est que la perception des Québécois relativement au montant requis pour leur retraite est totalement erronée. Le sondage démontre également que 53% des Québécois n’ont pas de plan financier comparativement à un taux de 37% en Saskatchewan-Manitoba. Peut-être devrait-on y voir là une explication à cette mauvaise perception? Chose certaine, un écart si important des répondants Québécois versus les autres Canadiens, mérite une réflexion importante. N’hésitez pas à consulter votre conseiller financier afin de vérifier où vous en êtes dans votre planification de retraite. S’il vous dit que vous devriez injecter plus de sommes dans votre programme, garder en tête les chiffres ci-dessus pour vous en convaincre.

Christian Dufour, auteur/author