Le RRI, un régime de pension pour entrepreneur

Parution dans le Canada-Français, édition du 5 février 2015

Avec février arrive la période blitz des REER. Pour plusieurs entrepreneurs de PME, il s’agit souvent d’un rattrapage annuel en vue de leur retraite.  Pour l’année d’imposition 2014, le maximum admissible REER est de 24 930$.  Afin d’y participer, l’on voit souvent les gens d’affaires se verser un revenu supplémentaire sous forme de salaire, boni ou dividende. Résultat, ils sont susceptibles de payer plus d’impôt l’année suivante, un cercle vicieux!  Pourtant ils pourraient bénéficier du même de régime de retraite que bénéficient les employés de l’état, soit le régime de retraite à prestations déterminées. Il s’agit du même régime que l’on entend tant parler à cause des déficits actuariels et dont les contribuables ne veulent pas en assumer les frais.

LOI SUR LES IMPÔTS
Dans les faits ce régime de pension est une création issue de la Loi sur les impôts. Tout à fait légal. En principe ce régime s’applique techniquement non seulement aux employés de l’état (et de quelques grandes entreprises) mais aussi à l’actionnaire-employé d’une PME, ou d’un professionnel incorporé. Contrairement à ce que l’on a l’habitude de voir, le Régime de retraite individuel (RRI) peut ainsi être mis en place pour une seule et unique personne. Il est d’ailleurs assez répandu au Canada, sauf au Québec! Faut dire qu’au Québec, avant 2001, le RRI était soumis à la Régie des rentes du Québec, et conséquemment à d’embûches administratives, ce qui le rendait moins désirable.

Rappelons que ce type de régime, peut importe à qui il s’applique, calcule le montant de retraite à verser selon le nombre d’années de services au sein de l’employeur, et, d’un pourcentage des 3 meilleures années de salaires. À la blague je me plais à l’appeler le calcul inversé! Cette mathématique actuarielle calcule le montant à verser lors de la retraire et oblige le régime de pension à investir dans celui-ci pour y arriver.  On est bien loin des REER traditionnels dont on investit sans connaître le montant qui sera encaissé à la retraite.

FONCTIONNEMENT DU RRI
D’abord il faut être actionnaire d’une société par actions et recevoir un salaire. La rémunération sous forme de dividende ne permet pas d’y participer. Si vous êtes employé de votre entreprise depuis 1990, il est permis de prendre en compte ces années de services dans le calcul de la rente, ce qui est très intéressant. L’entreprise cotise au RRI pour son actionnaire et cette somme versée n’est pas sujette aux charges salariales, mais déductible pour l’entreprise. Ainsi l’actionnaire n’a pas à rédiger un chèque pour investir dans sa retraite. Compte tenu de la mathématique actuarielle, la somme versée au RRI est plus élevée que la contribution REER maximale. Le RRI ne se retrouvant pas dans les coffres de l’entreprise, les fonds sont insaisissables par les créanciers de celle-ci.  De plus, contrairement aux règles habituelles des régimes de retraite à prestations déterminées, l’argent déposé au RRI n’est pas immobilisé. Notre actionnaire pourrait ainsi transformer son régime sous forme de REER ou FERR.

À titre d’exemple,  comparons le RRI au REER  pour un actionnaire de 45 ans qui gagne un salaire de 138 500$, soit le maximum pour atteindre le plafond du REER 2014 (24 930$).  Si sa société cotise à son RRI, plutôt que lui personnellement à son REER, alors il aura accumulé près de 400 000$ de plus à l’âge de 65 ans. Toutefois si l’actionnaire débute à y participer à l’âge de 50 ans, alors ce sera 287 000$ de plus que s’il avait cotisé à son REER.  Dans l’éventualité d’une baisse des cours boursiers, alors la société de l’actionnaire, et non l’ensemble des contribuables, devra combler la valeur manquante pour permettre à l’actionnaire de recevoir à sa retraite la rente prévue. Ceci est un net avantage vis-à-vis le REER. Parlez-en à ceux qui ont vu fondre leur portefeuille en 2009.

CANDIDAT IDÉAL
Le candidat idéal est actionnaire de son employeur, doit être âgé de 40 ans ou plus, et gagner un salaire de plus de 100 000$. Son entreprise doit être profitable et être en mesure de générer continuellement du revenu.

STRATÉGIE INTÉRESSANTE
Il va de soi qu’il  y a des normes administratives, enregistrements auprès des autorités fiscales, évaluations actuarielles, et autres contraintes administratives, mais le jeu en vaut la chandelle, particulièrement s’il s’agit d’une société avec un seul actionnaire.  Considérant que les montants qui y sont versés sont plus élevés que dans le REER, nul besoin de prendre des risques inutiles dans les placements et de voir son portefeuille de placements subir les hauts et les bas occasionnés par la volatilité des bourses. De plus le RRI est plus flexible que les Régimes à prestations déterminées traditionnels. Malheureusement l’actionnaire qui se rémunère que par la voie de dividendes ne peut y participer, tout comme il ne pourra recevoir de rentes de la RRQ. Il faut plusieurs ingrédients pour faire une bonne sauce!

Christian Dufour, LL.L., D.D.N., Pl. Fin., D. Fisc.
Conseiller sécurité financière, assurance et épargnes collectives
Cabinet Finexia