Êtes-vous prêt pour une longue retraite?

Publié dans le Canada-Français, édition du 16 mars 2017

Alors que l’on se réjouit en constatant les prodigieuses avancées scientifiques, il y a fort à parier que nous en subirons les conséquences financières. L’on nous annonce régulièrement que vivrons plus vieux. En principe c’est fantastique, on pourrait ainsi profiter d’une longue, même très longue retraite.
Oui, probablement trop longue pour le portefeuille de retraite de plusieurs.  Après la Deuxième Guerre mondiale, les gens commençaient à travailler dès l’âge de 15 ans et prenaient leur retraite à l’âge 65 ans pour finalement mourir à 70 ans, donc 50 ans de vie au travail pour 5 années de retraite.
Maintenant les gens débutent à travailler d’une façon permanente après 25 ans et prennent leur retraite à 60 ans et décèdent souvent après 85 ans. C’est donc 35 ans de vie active et 25 ans de retraite. Tout un écart, passant de 50 ans de vie active à 35 ans, et de 5 ans à 25 ans de retraite. Bon, vous auriez raison de souligner qu’autrefois les familles comportaient généralement aussi plus de 2 enfants par famille, ce qui alourdissait le budget familial.

LONGÉVITÉ
Qui aurait pu imaginer il y a cinquante ans que l’espérance de vie serait aujourd’hui de 84 ans pour les femmes et de 80 ans les hommes. En 2016 le nombre de personnes âgées de 65 ans ou plus représentait 18,1% de la population. Sur cinq Québécoises qui ont aujourd’hui 65 ans, trois atteindront les 90 ans et seulement un Québécois sur cinq atteindra cet âge.  Selon Statistiques Canada, le recensement de 2011 a dénombré 5 825 personnes âgées de 100 ans et plus, comparativement à 4 635 en 2006. De ces 5 825 personnes, 4 870 étaient de femmes et 955 des hommes.
C’est beau la longévité, mais ajouter quatre ou cinq ans à un plan de retraite peut être un problème, surtout si cela peut devenir six à dix ans supplémentaires.

EXEMPLE
Prenons l’exemple d’une dame seule de 65 ans, sans régime de retraite de son employeur et qui a peu de revenus. Elle recevrait actuellement par année : 6 942$ de la Sécurité de vieillesse, 13 370$ de RRQ (si elle a contribué selon le maximum admissible) et 2 079$ de Supplément de revenu fédéral, pour un total de 22 391$ brut. La Sécurité de vieillesse et la RRQ étant imposable, mais pas le supplément de revenu, il lui resterait un montant net de 20 402$.
Pour ceux qui peuvent se satisfaire de ce montant, vous pouvez cesser votre lecture, si bien entendu les programmes gouvernementaux maintiennent les taux de ces montants et les indexent régulièrement.  Qui sait?
Mais qu’advient-il si notre retraitée ayant de la difficulté à boucler ses fins de mois décide de sortir un peu de son REER? Attention, si son revenu annuel en excluant sa pension de la Sécurité de vieillesse dépasse 17 543,99$ elle n’aura plus droit au Supplément de revenu garanti.  Ainsi pour obtenir un petit 5 000$ supplémentaire et d’obtenir un montant net de 25 000$, notre retraitée devra sortir un peu plus de 9 500$. Une partie de cette différence provient par la perte du Supplément de revenu garanti.
Notre retraitée espérant vivre jusqu’à 84 ans, elle devra sortir 9 500$ de REER (ou FERR) pendant 19 ans, soit un total de 180 500$. Souhaitons que ses placements soient performants!
Si elle se rend à 90 ans, c’est 57 000$ de plus et jusqu’à 95 ans ce serait 104 500$. Si son portefeuille lui rapporte 5% par année et qu’elle vit jusqu’à 84 ans, son REER doit être de 114 810$ au début de la retraite avant de s’épuiser, tout comme sa propriétaire. Pour se rendre à 90 ans, ce serait 133 892$ et 146 892$ pour 95 ans.  Vous conviendrez que ce montant annuel net de 25 000$ n’est certainement pas exagéré.
Il est encore tôt pour connaître si les contribuables canadiens ont largement cotisé à leur REER 2016, mais selon un sondage de la firme Angus Reid, il semble que 17% des canadiens cotiseraient, ce qui est plus faible que le taux de 18 % indiqué dans le sondage de l’année précédente.  Avec l’exemple ci-dessus, il est désolant de constater que les gens cotisent moins. Souhaitons qu’en contrepartie ils participent davantage à leur CELI. Retenons que les montants des régimes gouvernementaux constituent une base, dont vous et moi n’avons aucun contrôle sur la hausse ou non de ceux-ci.

DEUX CLASSES
Le moins que l’on puisse affirmer c’est que de plus en plus on verra deux classes différentes de retraités : d’une part ceux qui n‘ont que le minimum, donc ceux qui retirent que les rentes gouvernementales de base et/ou un peu de REER, et, d’autre part, ceux qui reçoivent une rente de leurs employeurs et ceux qui ont pu accumuler un gros REER.
Recevoir annuellement 30 000$ de son employeur entre l’âge de 60 ans et son décès à 84 ans équivaut à avoir un REER de 508 000$ au moment de quitter son emploi.  Comparativement, une personne qui met 850$ par mois dans son REER pendant 25 ans, à un taux de 5%, aura pu accumuler 499 903$ à sa retraite. Désolé, mais les clients qui déposent 850$ par mois (constamment, même depuis le début de leur carrière) dans leur REER ne courent pas les rues.
Dans ces conditions, pas étonnant que le nombre de régimes de retraite de type à prestations déterminées ait fondu comme neige au soleil auprès des entreprises privées et que ces régimes ne sont plus soutenus que par des organismes gouvernementaux et parapublics.
Lors de mon prochain article, nous aborderons le pourcentage de décaissement, et du taux d’accumulation au moment de la retraite pour avoir un capital suffisant pour affronter notre longue retraite.