Budget fédéral 2016 : Quand de bonnes nouvelles nous cachent des surprises

Publié dans le Canada-Français, édition du 7 avril 2016.

Lors du dévoilement du budget d’un nouveau gouvernement, les médias font beaucoup d’émoi sur les mesures préélectorales, alors que les fiscalistes attendent généralement les jours suivants afin d’émettre leurs opinions. Le raisonnement en est bien simple : au-delà des mesures populaires, les briques de documents budgétaires révèleront souvent de surprises. Ce fut le cas le 22 mars dernier. Dans un premier temps je toucherai les mesures populaires médiatisées et dans un deuxième temps les mesures moins populaires que personne n’avait vues venir!

CLASSE MOYENNE
La classe moyenne est sûrement la grande gagnante de ce budget. Les contribuables ayant un revenu entre 44 700$ et 89 401$ verront leur taux d’imposition être réduit de 1,5% dans cette fourchette de revenu, alors que ceux gagnant plus de 200 000$ verront le dernier échelon fiscal hausser de 4%. La réduction de 1,5% ne semble pas élevée, mais compte tenu du grand nombre de contribuables que ce groupe comporte il s’agit d’une baisse importante de revenu pour le fédéral.

ALLOCATION CANADIENNE POUR ENFANTS
Celle-ci remplacera à partir du 1er juillet prochain trois allocations fédérales, dont la Prestation universelle pour la garde des enfants et la Prestation fiscale canadienne pour enfants. Montant net d’impôt, le montant de l’allocation variera selon le revenu familial et l’âge des enfants. Si le revenu net familial est inférieur à 30 000$ par an, alors l’allocation maximale sera de 6 400$ par enfant âgé de moins de 6 ans et de 5 400$ pour un enfant de 6 à 17 ans.  Selon le ministère près de neuf familles sur dix auront droit de recevoir la nouvelle allocation.

D’autre part avec l’introduction de cette nouvelle formule les crédits d’impôt sur les activités physiques et activités artistiques seront réduits de moitié pour 2016 et abandonnés pour 2017.

AUTRES MESURES
La cotisation annuelle du CELI a été ramenée à 5 500$ de 10 000$ qu’elle était sous le gouvernement précédent.

Aînés : Alors que le gouvernement précédent avait tablé la retraite à l’âge de 67 ans à partir de 2023, le nouveau gouvernement a rétabli la retraite à l’âge de 65 ans.  Le Supplément de revenu garanti pourra se bonifier d’un montant de 10% pour les aînés vivants seuls à faible revenu. Pour les couples séparés par la maladie, le Supplément de revenu garanti sera plus clément en considérant le revenu individuel de chacun au lieu du couple. N’oublions pas que dans 10 ans, 25% de la population sera âgés de plus de 65 ans.

Les fonds de travailleurs, tels que le Fonds de solidarité FTQ et le Fondaction de la CSN, verront leurs crédits d’impôt de 15 % être rétablis pour l’année d’imposition 2016 alors que depuis 2 ans le gouvernement antérieur avait réduit leur portée.

Réduction du taux de l’assurance-emploi et congé de taux lors de l’emploi de jeunes de 18 à 24 ans à un poste permanent pour les 3 prochaines années. De plus le délai de carence passera de deux semaines à une au 1er janvier 2017.

Le fractionnement du revenu familial pour un couple avec un enfant de moins de 18 ans sera éliminé. Ne pas confondre avec le fractionnement de revenu pour les aînés, lequel est maintenu.

LES SURPRISES
Fonds de substitution : S’il en est une de taille, celle relativement aux placements en fonds de catégorie de société était plutôt inattendue. Système éprouvé qui fonctionne de puis plus d’une vingtaine d’années, il représente environ 120 milliards de dollars, ou 10% de l’industrie de fonds mutuels. En bref, l’on peut investir dans des titres de fonds NON ENREGISTRÉS, par lequel le contribuable peut, en autre, échanger son type de placement par un autre sans déclencher d’imposition. À compter d’octobre prochain, ce type de substitution ne sera permis qu’entre fonds de la même catégorie d’actifs.

Billets liés : assez populaire auprès d’institutions québécoises il s’agit d’un placement sous forme de dépôt qui garantit le remboursement du capital investi et la possibilité, et non la garantie, de réaliser un profit selon le rendement de références boursières. Avant l’échéance, le billet ne verse pas d’intérêt. Si le billet est détenu dans un placement NON ENREGISTRÉ et que le détenteur le vend avant la fin du terme, il réalise un gain en capital au lieu d’un revenu d’intérêt, ce qui prive nos gouvernements de revenus. Ainsi à compter d’octobre prochain le bénéfice de la vente de tels billets sera considéré comme du revenu d’intérêt.

Assurance-vie : il était prévu dans nos lois fiscales qu’un actionnaire pouvait transférer à sa société sa police d’assurance-vie sans impact fiscal. Pour se faire, un actuaire évaluait la valeur de la police (qui varie selon l’état de santé de l’assuré) et la société en paie la valeur ainsi déterminée, peu importe les données fiscales de cette assurance. Maintenat la différence avec le coût fiscal sera dorénavant taxable. Qui plus est, la différence se reflétera sur la distribution éventuelle aux actionnaires en cas de décès de l’assuré. Cette dernière étant rétroactive, l’on ne peut que s’étonner qu’il n’y ait pas comme en France de loi interdisant la rétroactivité dans l’application des lois.

IMPACT
Il est évident que la classe moyenne avait besoin d’air pour boucler son budget. À cet égard le budget a bien réussi. Malgré les nouvelles restrictions aux fonds de catégories, les fonds de catégories constituent actuellement le meilleur véhicule de placements non enregistrés.

Est-ce que les grands travaux, qui se réaliseront moins rapidement que prévu, apporteront suffisamment d’énergie à notre économie? Évidemment certaines structures publiques nécessitent des améliorations, souhaitons qu’il n’y ait pas d’abus… Mais le vrai problème à résoudre n’est-il pas de faire tourner notre économie avec d’autres choses que de la construction ou des ressources naturelles?  Pourquoi ne pas avoir accordé de super déductions pour permettre aux entreprises de rénover les équipements de productions ou développer davantage le domaine technologique. Nos enfants supporteront les déficits budgétaires, autant leur permettre une future capacité financière pour les payer!