Aurez-vous les moyens d’être centenaire?

Publié dans la Canada-Français, édition du 22 mars 2018

Qui n’a pas vu dans les nouvelles la grande fête organisée à la résidence Waldorf de Montréal? Neuf résidents franchiront cette année le cap des 100 ans, alors que onze autres ont déjà franchi ce cap. Cela fait longtemps que l’on s’y attendait, mais c’est maintenant une réalité, en 2016 il y en avait autour de 1 800 au Québec (8 000 au Canada) et les projections démographiques sont de 5 000 centenaires québécois pour 2026. Ça, c’est dans 8 ans, donc c’est pour bientôt et plusieurs d’entre vous seront parmi eux.

Au petit écran ce qui m’a le plus impressionné c’est leur lucidité, ce qui tranche franchement de l’image confuse que l’on avait d’eux lors de reportages d’autrefois. Je n’ai pas l’intention de vous donner la recette secrète pour vous y rendre mais plutôt de soulever l’écart entre l’âge de votre décès et la capacité financière de vous y rendre. C’est ce que l’on appelle le risque de longévité, soit le risque de venir à bout de vos ressources financières avant la fin de votre vie.

RISQUE ACCRU

Vous comprendrez que le fait de vivre plus longtemps met beaucoup de pression sur vos réserves de retraite. Le risque est d’autant plus grand chez les conjoints survivants de plus de 85 ans alors que le revenu tombe d’environ 33% suite au décès du conjoint.

Plusieurs profitent amplement des premières années de leurs retraites alors qu’ils sont en santé. Il va de soi qu’à l’opposé, vous voudrez conserver des ressources financières pour la dernière partie votre vie. Un juste équilibre est à planifier.

Statistiquement, si vous êtes âgée d’entre 60 à 70 ans, il y a 25 % de probabilité d’être toujours en vie à 94 ans s’il s’agit d’un homme et à 96 ans s’il s’agit d’une femme. Si vous êtes âgé de 65 ans il y a 50% de chances que surviviez jusqu’à 89 ans si vous êtes un homme et 91 ans si vous êtes une femme. Au fil du temps les statistiques démontrent l’augmentation de l’espérance de vie. Vous n’êtes pas convaincu? Voyons cela sous un autre angle : si nous faisons abstraction de la période boursière actuelle qui est exceptionnellement longue, les cycles boursiers sont généralement de 7 ans. Si vous vivez 24 ans de plus après que vous ayez commencé à encaisser votre premier chèque de Pension de la Sécurité de vieillesse, alors vous traverserez probablement 3,42 cycles boursiers. Ce ne sera pas nécessairement des crises comme celle de 2008-2009, mais vivre 3 baisses risque d’affecter votre réserve de retraite.

Rappelons que l’indice phare de la Bourse de New York, le Dow Jones, a connu une progression hors du commun depuis son creux de février 2009. Les actions avaient alors chuté de 20% à 30%. On ne le répétera pas assez souvent, subir une chute boursière alors que l’on se trouve en décaissement remet grandement en cause votre plan de retraite. Il est important de bien diversifier ses placements.

ÉTAPES

Afin d’arriver à un équilibre, il faut regarder en premier les dépenses fixes obligatoires, non discrétionnaires, tel que le logement, la nourriture, les soins médicaux non couverts par le gouvernement et s’assurer qu’ils sont d’abord acquittés par votre rente, pension gouvernementale, sécurité sociale, autres montants garantis. S’il y a insuffisance il faudra utiliser une partie de vos économies. Les autres dépenses devront être acquittées par d’autres sources. Continuer de travailler après l’âge normal de la retraite est une bonne façon d’y faire face. Un petit boulot, même à temps partiel, vous permettra de vous aider à couvrir vos dépenses essentielles. Cette stratégie est particulièrement importante pour les gens qui prennent leur retrait au début de la soixantaine. Cette entrée de fonds vous permettrait de réduire l’utilisation de vos économies, laisser grossir vos gains et reporter vos sorties.

L’achat d’une rente viagère est une solution intéressante pour couvrir ces dépenses obligatoires. Elle est d’autant plus intéressante si vous ne bénéficiez pas d’un fonds de pension d’un employeur. Le seul obstacle que l’on peut y voir est le bas taux d’intérêt qui réduit le calcul du montant à verser. Attention, je ne recommande pas d’utiliser la totalité de vos ressources pour l’achat d’une rente viagère, mais il s’agit là de l’un des ingrédients.

Si vous avez des investissements non enregistrés (hors CELI ou REER), alors il faut qu’ils soient efficients fiscalement afin d’en réduire la facture fiscale. Déjà que certains placements de types revenus d’intérêt ont de bas rendements, si vous devez en donner près de la moitié du rendement aux autorités fiscales, alors cela devient un piètre rendement.

VULNÉRABILITÉ

Vivrez-vous jusqu’à 100 ans? J’entends souvent des gens dont la santé est fragile, ou malades, dire sur un ton très déterminé, qu’ils ne désirent pas vivre jusque-là, qu’ils utiliseront le suicide assisté…, mais la réalité est tout autre. Rares sont ceux qui passent à l’acte.

La question mystère est la suivante : pouvons-nous compter sur l’état providence afin de nous assurer un certain niveau de sécurité et de bien-être social, surtout à un âge dont nous en aurons le plus de besoins? Un élément est certain, oui nous vivrons plus vieux mais aussi plus malades. Le fait que nous ne pouvions établir notre durée de vie rend la planification financière plus difficile, mais éviter de la faire peut rendre votre vieillesse plus angoissante.

Christian Dufour, auteur/author